Improvised Music from Japan / Otomo Yoshihide / Fukushima

Projet FUKUSHIMA ! / Rapport d'activités: un an déjà
Bilan de l'activité passée/Prévisions pour 2012

Otomo Yoshihide / Avril 2012

Je suis né à Yokohama en 1959. De par nos origines, mes parents et moi-même n'avions ni connexion ni lien avec Fukushima. Le contact se fit à l'occasion d'un déménagement nécessité par le travail de mon père, à l'automne 1968. J'avais alors neuf ans, j'entrais au CM1 ; j'ai vécu à Fukushima jusqu'en 1978, date de mon départ pour l'université de Tokyo, à 18 ans.

Cette mutation de mon père à Fukushima s'inscrivait dans la seconde moitié de la période de rapide croissance économique que connut alors le Japon: les entreprises de transformation tokyoïtes essaimèrent à travers le pays. A y réfléchir aujourd'hui, il me semble que la construction de la centrale nucléaire, commencée en 1966 par la Daiichi à Fukushima, participait de ce mouvement. Mon père travaillait dans une usine de fabrication de pièces de précision utilisées dans du matériel d'éclairage électrique, travail n'ayant aucun lien direct avec l'industrie nucléaire. C'est seulement maintenant que je réalise pourquoi tant d'élèves de mon école arrivaient eux aussi à Fukushima, venant d'un peu partout. Sans que je puisse affirmer qu'il y avait des factions à l'intérieur de l'école, il me semble pourtant qu'il y avait un net clivage entre ceux qui parlaient le dialecte local et la petite minorité qui ne le parlait pas, d'autant plus que l'écart entre la région de Tokyo et les autres régions était alors beaucoup plus prononcé qu'aujourd'hui. Venant de Yokohama, je ne me sentais pas du tout à ma place, j'avais le sentiment d'avoir été "transplanté", et mes anciens camarades de classe ont beau me dire qu'il n'en était rien, ajoutant même : "Mais non, tu étais comme le roi de la montagne !", j'avais plutôt le sentiment que je n'arriverais jamais à m'adapter tant je me sentais isolé. Mais c'est sans doute une histoire très banale.

Dès le CM2 ou la 6ème, la radio, la nuit, devint ma meilleure amie. Je me mis à envoyer à plusieurs stations des dizaines de cartes postales, qui étaient lues à l'antenne. J'avais la conviction de tracer mon propre chemin, d'entrouvrir une fenêtre donnant sur Tokyo, tout en découvrant la pop musique : cela contribua grandement à mon envie de devenir musicien. Au lycée, je commençai à sécher les cours pour aller traîner dans les cafés jazz ou rock de Fukushima. Internet n'existait pas encore, mes influences provenaient directement de ce que je voyais dans ces cafés. Je commençai à songer sérieusement à devenir musicien. A partir de ce moment-là, je n'eus plus qu'une idée : me rendre à Tokyo. Sous prétexte d'aller à l'université (je ne l'ai finalement pas beaucoup fréquentée), je déménageai à Tokyo pour y vivre ma vie de musicien.

Un peu plus tard, mon père ouvrit sa propre usine à Fukushima : mes parents s'y fixèrent définitivement, ce qui ne m'intéressait absolument pas. J'y retournais l'été, pendant les vacances, mais je n'ai jamais éprouvé aucune passion pour ma ville d'accueil, ni la moindre nostalgie pour cette région. Bien sûr, quand vous revenez là où vous avez vécu, des souvenirs agréables vous reviennent, et j'ai toujours eu grand plaisir à revoir les vieux amis. Mais, pour être franc, cela faisait plus de trente ans que je n'avais pas eu la moindre pensée pour cet endroit nommé Fukushima...

Ces médias de masse qui ne surent rendre compte ni de l'accident à la centrale ni des manifestations anti-nucléaires.

Puis, le 11 mars 2012, il y eut le grand tremblement de terre à l'Est du Japon. S'il n'y avait eu que le séisme et le tsunami, j'en aurais certainement été grandement affecté, mais je ne pense pas que j'aurais réagi comme je l'ai fait : en effet, Fukushima City, là où j'avais habité, ne fut pas touchée par le tsunami, et aucun de mes amis ne vivait sur la côte. Mais il y eut l'accident à la centrale. La centrale explosa, et tout à coup les gens n'avaient plus de lieu où vivre, les radiations se mirent à pleuvoir aux alentours, et alors quelque chose changea en moi.

Les médias ne remplirent absolument pas leur fonction. Le discours des autorités gouvernementales était : "il n'y a aucun danger", "il n'y aura aucune conséquence d'ordre sanitaire", les médias quant à eux ne disant rien d'autre que "gardez votre calme, s'il vous plaît". On dissimulait les dégâts réels. Les médias américains tenaient un discours totalement différent : "toute personne résidant à moins de 80 kilomètres de la centrale doit immédiatement évacuer", et il nous était impossible de savoir qui disait la vérité. Tout récemment seulement, nous avons appris que ces données avaient été transmises aux autorités militaires américaines par SPEED1, un réseau dévolu à l'estimation rapide des risques de propagation des radiations dans les situations d'urgence : c'est grâce à cette source d'information que les Etats-Unis pouvaient circonscrire une zone d'évacuation de 80 kilomètres autour de la centrale. Le gouvernement japonais préférait s'adresser aux Etats-Unis plutôt qu'à sa propre population, et les médias manquaient à leur devoir de contre-pouvoir : on ne put rien apprendre des journaux, même très longtemps après les évènements. Durant les mois de mars et avril, tout le monde, y compris les habitants de Fukushima, recevait des informations contradictoires, et personne ne savait à qui se fier : obtenir ne serait-ce que des renseignements objectifs était un vrai combat.

Le plus grave à ce moment-là, ce fut à mon avis la visite à Fukushima du professeur Shunichi Yamashita, de l'université de Nagasaki, qui déclara qu'il n'y avait aucun danger. Il tint des conférences à Fukushima City le 21 mars, à Iitate le 6 avril, et à Date City le 17 avril. Or le 11 avril, soit cinq jours après sa conférence à Iitate, la ville fut décrétée "zone d'évacuation totale" par le gouvernement, et ses habitants furent forcés de partir. Il se peut que le professeur Yamashita n'ait pas délibérément menti, qu'il n'ait fait qu'avancer une hypothèse. Mais c'est tout de même problématique qu'un professeur faisant autorité en la matière vienne dans la région à la demande de la préfecture pour y déclarer d'emblée l'absence de tout danger, générant ainsi un manque total de confiance dans les déclarations ultérieures du gouvernement et des institutions publiques. A partir du moment où on parle d'évacuer une région après l'avoir déclarée sans danger, automatiquement la population ne peut que suspecter qu'on lui cache quelque chose, et perd toute confiance en son gouvernement et ses scientifiques. Iitate en est l'exemple flagrant.

On n'avouera que bien plus tard que, par endroits, les niveaux de radiation à Fukushima étaient alors suffisamment élevés pour nécessiter une prise d'iode. Il parait alors difficile d'affirmer que pareils niveaux soient sans danger. En mars, on enregistra des niveaux supérieurs à 20µSv/h à Fukushima City, et c'était clairement anormal. Et même si au finale peu d'individus souffrirent de problèmes de santé, il n'empêche que certains sont plus sensibles aux radiations que d'autres, et qu'à partir du moment où il y avait des risques, les autorités auraient dû informer des dangers liés aux radiations. La première chose qu'auraient dû faire les experts était de dire la vérité, afin de tenir les populations informées des risques encourus, et de leur permettre de juger par elles-mêmes de la gravité de la situation. Même remarque quant à la déclaration portant sur le contrôle sanitaire du riz faite ultérieurement : le gouvernement prétendait qu'il contrôlait parfaitement la centrale nucléaire, etc. Si les autorités, plutôt que de nous dire honnêtement ce qu'il en est, quoiqu'il en coûte, nous mentent en affirmant que tout va bien, je ne vois pas comment nous pourrions être en mesure de prendre les bonnes décisions...

Le tournant du 10 avril.

Les individus paniqués sont très réceptifs à la moindre information venant alimenter leurs peurs : on le vérifia encore au moment du séisme, quand ils perdirent confiance alors qu'on leur serinait qu'il n'y avait aucun danger. Il est évident que si vous dites aux gens en état de panique que tout va bien sans leur en fournir la moindre preuve, ils vont aussitôt penser que vous leur cachez des choses, même si ce que vous leur dites est vrai.

Il me devint parfaitement clair le 10 avril, jour de la manifestation contre la centrale nucléaire, même si je m'en doutais déjà auparavant, que les médias ne faisaient pas leur boulot. Ce 10 avril, par la seule force de messages postés sur Twitter, entre 10 et 15.000 personnes se rassemblèrent dans le quartier de Koenji à Tokyo. C'était la première manifestation d'envergure depuis l'accident survenu à la centrale, et pourtant elle n'eut pratiquement aucune couverture de la part des médias, et il n'est pas exagéré d'affirmer qu'ils l'ignorèrent sciemment. Quand j'ai posé la question à quelqu'un qui travaillait dans les médias, il m'a répondu : "C'est parce que ces gens sont des amateurs" ; je lui répliquai que "forcément, toute manifestation est le fait... d'amateurs !". Ce à quoi il rétorqua : "Nous ne couvrons jamais un évènement sans qu'on ne nous ait préalablement envoyé un communiqué de presse." Mais refuser de couvrir l'événement sous prétexte d'absence de communiqué de presse était une grossière erreur : on n'allait pas faire paraître un truc du genre encart publicitaire, alors que le boulot des journalistes consistait bel et bien à couvrir l'évènement, à en faire un article, et ce de leur propre initiative, non ?! Je me suis dit alors que dans ce pays la presse n'était même pas capable de faire le service minimum. Et à mon avis, il n'y a pas eu de la part du gouvernement la moindre volonté de museler les médias, du genre "ne couvrez pas ces activités antinucléaires", car dans la confusion totale qui a suivi le drame, je ne pense même pas qu'il ait eu le temps d'organiser un truc du genre. J'émets toutefois l'hypothèse que cela vient peut-être de ce que les rédactions étaient tenues principalement par des individus issus de cette génération déçue par le fait de manifester, génération qui pense que "les manifestations ne servent au fond à rien", et qui ne peut être que réticente à accorder quelque crédit au fait de manifester. Mais si je me fichais bien de savoir si les rédactions aimaient ou non les manifestations, ou si elles étaient pour ou contre les centrales nucléaires, je ne supportais tout simplement pas qu'elles ne couvrent pas le fait que 15.000 personnes s'étaient rassemblées via Twitter pour organiser cette manifestation. Voilà pourquoi je me mis à penser que les médias ne fonctionnaient pas, et il me devint dès lors évident que la couverture de l'accident à la centrale en pâtissait de la même manière.

Le jour de la manifestation coïncida avec celui de l'élection du gouverneur de Tokyo. Sur le Net, alors que l'opinion dominante semblait être que le gouverneur Ishihara ne serait pas réélu, l'annonce de sa victoire survint quasi simultanément à celle annonçant le début du dépouillement du scrutin : bien qu'Internet nous servait alors de source d'information, il devint patent qu'il n'était pas l'outil idéal qui nous permettrait de comprendre ce qui se passait. Ce jour là, je me suis dit : "on est dans le pétrin"...

L'invisible radiation faisant palpiter lentement le cœur des habitants de Fukushima.

Le 11 avril, je revins à Fukushima pour la première fois depuis la catastrophe. Juste avant, à Tokyo, j'avais rencontré Michiro Endo du groupe Stalin, précurseur du punk rock ; de neuf ans mon aîné et originaire de Nihonmatsu à Fukushima, il avait fréquenté le même lycée que moi. Michiro me dit : "Le 15 août, je veux organiser un festival gratuit à Fukushima ; il s'appellera Centrales Nucléaires Fuck You". Il me demanda mon avis. J'ai immédiatement pensé que monter un festival avec un nom pareil était une excellente idée. Ni pour, ni contre quelque chose, juste Fuck You : seul un punk rocker pouvait dire ça. Brillant. Je me demandais toutefois si la population de Fukushima adhèrerait à un projet baptisé Fuck You : aussi décida-t-on de s'y rendre afin d'obtenir l'avis de la population, et c'est ce que l'on a fait. A première vue, Fukushima semblait être restée ce qu'elle avait été avant la catastrophe. Le ciel y était bleu, les montagnes inchangées. Seuls les niveaux de radiation y étaient élevés : entre 1 et 2 microsieverts en plein centre de Fukushima City, plus de 10 sous les avant-toits des maisons. Mais on ne ressentait rien de particulier. On ne savait pas quoi en penser. Quoiqu'il en soit, on alla voir pas mal de gens, et on parlait, on parlait, encore et encore. Je rencontrai un ami d'un club de jazz de l'époque du lycée, et d'autres connaissances liées à la musique, comme le poète Ryoichi Wago, les musiciens Jun Nagami et Akihiro Okachi... Ça peut sembler manquer de délicatesse de vous confier ça, mais il me semblait qu'ils avaient tous subi des traumatismes d'ordre émotionnel, et même que leur cœur battait avec une certaine lenteur ; rétrospectivement, le mien aussi, certainement.

Quand on disait aux gens : "On va monter un festival s'intitulant Centrales Nucléaires, Fuck You, leur première réaction était plutôt sceptique. Surtout, ils pensaient que ça n'était guère le moment de faire un festival. Mais à force d'en parler, chacun évolua, et tous finirent par dire : "Oui, après tout, pourquoi pas ?". Je ne cherchais pas à les influencer, croyez-moi, mais je n'ai pas trouvé une seule personne qui pensait que les centrales nucléaires étaient un thème porteur. C'était au moment où le gouvernement disait qu'il fallait évacuer Iitate, et tout le monde craignait que Fukushima City ne soit la prochaine sur la liste. Ils en étaient comme paralysés. En en parlant avec R. Wago, on en arriva à se dire que le bon titre était : "Quel avenir pour Fukushima ?". Et puis finalement non, ce n'était pas encore le bon, il nous fallait quelque chose de beaucoup plus grand – et ça ne pouvait être que "FUKUSHIMA", tout simplement.

Au même moment, il y eut dans d'autres pays des manifestations antinucléaires, et en visionnant des images sur une manifestation en Allemagne, je remarquai une pancarte disant : "PLUS JAMAIS DE FUKUSHIMA". Bien sûr, mon sentiment était aussi qu'il ne devrait plus jamais se produire d'accident de ce genre. Mais pour nous, Fukushima ne pouvait se résumer à cet accident à la centrale, car Fukushima est un pilier de notre identité : c'est là où nous avons grandi. En voyant cette pancarte, je me suis senti comme nié par elle. Je me suis dit aussi que ça n'allait pas beaucoup remédier à la souffrance des habitants de Fukushima que tous ces gens, à mille lieues de nous, disent seulement : "Plus jamais de Fukushima". Nous ne voulions tout simplement pas que le nom de Fukushima soit définitivement stigmatisé. Alors nous avons ressenti fortement le besoin de faire quelque chose qui pourrait transformer la charge négative du mot "Fukushima" en valeur positive. Un bon nombre de nos connaissances se rallia à cette nouvelle façon de présenter les choses : Michiro, Wago, et d'autres, aussi bien à Fukushima qu'à Tokyo, souscrivirent à cette idée. On décida de passer à la phase concrète – parce que si personne ne voulait nous être utile, c'était à nous de l'être. Forcément, nous savions que nous allions au devant de multiples problèmes en voulant monter à ce moment-là un festival à Fukushima, mais nous nous disions aussi qu'il nous serait très profitable de plancher tous ensemble sur la méthode pour les résoudre, l'un après l'autre. Ainsi naquit le Projet "FUKUSHIMA !"...

Le Projet "FUKUSHIMA !" : une tentative de créer une vision d'avenir pour Fukushima.

Nous devions tout d'abord nous trouver un medium apte à diffuser notre propre information. La première personne à laquelle nous avons songé pour cela fut Naohiro Ukawa, directeur de DOMMUNE, station de télé sur le net à Tokyo. On présenta KOCO Radio, station communautaire sur la bande FM basée à Koriyama, à Ukawa en lui demandant s'il pouvait en faire une chaîne de télé qui diffuserait sur le Net l'information émise en direct depuis Fukushima. C'est ainsi que le 8 mai 2011, la station de télé DOMMUNE FUKUSHIMA démarra ses programmes sur Internet. Si quelqu'un avait eu avant la catastrophe l'idée de diffuser de l'info depuis Fukushima à destination de Tokyo, je doute que quiconque à Tokyo s'y serait intéressé. Comme presque toute l'information arrivant à Fukushima après la catastrophe véhiculait le point de vue qu'en avait Tokyo, il était absolument capital que nous puissions diffuser directement les opinions et sentiments de la population de Fukushima, sans devoir nous en remettre à Tokyo.

Parallèlement, on organisa des réunions d'étude sur la radiation à "l'Ecole de Fukushima !", on ouvrit aussi une école de poésie et de musique, et on se mit à diffuser des travaux vidéo et de la musique sur le site web "DIY FUKUSHIMA !". Tout en assurant la continuité de la diffusion, on gardait en ligne de mire notre cible principale : la tenue d'un festival en plein air le 15 août, ayant pour nom "Le festival de FUKUSHIMA !". Plutôt qu'un message ciblé, nous voulions juste montrer aux gens la situation réelle à Fukushima – ce qui en soi constituait déjà un message. Nous savions bien sûr qu'il allait y avoir des avis pour et contre la tenue d'un festival en plein air à Fukushima, là où les niveaux de radiation étaient supérieurs à la normale. Mais nous pensions dépasser ces clivages, non seulement en diffusant les avis favorables comme défavorables, mais surtout en fournissant une réponse à chaque question soulevée. De fait, nous nous disions que le fait de communiquer de façon pertinente sur la situation réelle à Fukushima montrerait comment nous surmontions chaque obstacle et faisions face à chacune des difficultés.

On se posa aussi la question de savoir si l'on pouvait ou non inviter la population à un événement en plein air, sachant qu'il faudrait alors forcément vérifier les niveaux de radioactivité : le gouvernement ne le faisant pas, c'était à nous de les communiquer et de les interpréter, avec l'aide d'experts bien entendu. Afin d'éviter que la nourriture ne présente le moindre danger, nous nous devions d'en mesurer le taux de radioactivité, et de communiquer les résultats au grand public. Les médias ne communiquaient pas ? Nous aurions les nôtres. Le gouvernement ne faisait pas son boulot ? Nous le ferions à sa place. Porter tout ce processus à la connaissance du grand public, voilà ce qui nous paraissait capital.

Une autre de mes motivations, toute aussi importante bien qu'intuitive, était que la forte envie qu'avaient tous ces gens de monter ce festival tenait précisément au fait qu'ils étaient passés par ces évènements terribles. A bien y réfléchir, la plupart des festivals qui subsistent encore aujourd'hui ont été créés suite à des épidémies, des incendies, des séismes importants, à une époque où n'existaient ni science ni technologie : les gens s'y investissaient afin d'apaiser les dieux, de prier pour l'âme des défunts, et le festival devenait pour les survivants un moyen d'exprimer leurs sentiments et croyances quant à leur désir de vivre – une sorte de manifeste en quelque sorte. Suite au séisme, les populations des zones sinistrées voulaient faire revivre les festivals traditionnels, mais il y avait aussi des individus qui comme moi avaient quitté Fukushima justement pour prendre de la distance avec ce genre de choses. Les festivals d'été de danses traditionnelles et de chants folkloriques sont sympathiques, mais plus personne n'écoute ce genre de musique, et quant à notre génération, elle aime le jazz, le rock, ou la techno. Nous n'avons pas grandi en baignant seulement dans la culture locale, mais dans une culture plus globale – qu'on pourrait dire "pervertie par l'Amérique" si ce n'était pas un peu trop simpliste, dans la mesure où nous avons trouvé notre propre façon d'être en incorporant avec discernement ces musiques à nos existences.

Nous voulions transmettre ce message : "Nous fabriquerons notre futur".

Le festival fut bien relayé dans les médias mais, curieusement, souleva une belle polémique. Si certains arguments avancés étaient carrément hystériques, d'autres nous firent cogiter. L'opinion la plus commune était : "Vous ne devriez pas faire quoi que ce soit qui puisse exposer la population aux radiations : c'est criminel". L'argument me paraissait solide, mais en l'absence de connaissances scientifiques suffisantes, je ne pouvais pas totalement le valider, et il nous parut nécessaire qu'un scientifique nous aide à étudier la question. C'est alors que je tombai sur une émission sur la chaîne éducative de la NHK intitulée : "Comment dresser la carte d'une contamination radioactive avec un réseau internet ?", ce qui m'amena, tout en continuant d'avancer sur le festival, à rencontrer le professeur Shinzo Kimura. Il n'existe pas de saine radioactivité. Cependant, notre monde n'a jamais été pour autant exempt de toute radiation. Nous avons toujours été exposés à d'infimes quantités de radiation, et ce avant même l'accident. La quantité de radiation à laquelle seraient exposés des individus venant à Fukushima et passant une dizaine d'heures au festival n'excéderait pas 1 millisievert, quantité décrétée acceptable annuellement par le gouvernement. Qui plus est, le niveau de radiation sur le lieu du festival, le Four Seasons Village (le Village des Quatre Saisons), n'affichait qu'un tiers du niveau enregistré à Fukushima City, de sorte que l'on pouvait affirmer qu'il valait même mieux que les habitants de Fukushima City viennent au festival.

Bien sûr, on trouvait des endroits dans la préfecture de Fukushima où les niveaux de radiation étaient si élevés que leurs habitants devaient s'en aller immédiatement, mais aussi beaucoup d'autres où ça n'était pas le cas, et encore beaucoup d'autres individus vivant dans un entre-deux, ce qui les amenaient à s'opposer à toute idée d'évacuation. Et puis, on avait aussi ceux qui ayant quitté Fukushima pensaient à y revenir, et ceux qui, ayant pourtant affirmé ne pas devoir quitter Fukushima, voulaient quand même s'en aller : la situation, à ce moment-là, ne saurait être décrite en quelques mots, tout le monde étant alors rongé d'inquiétude, et il m'était difficile de dire aux gens s'ils devaient ou non évacuer, chacun vivant des situations particulières et la décision de changer de vie n'appartenant qu'à eux seuls. On ne pouvait que respecter leur décision, quelle qu'elle soit, tout en martelant cependant le message : "Sortons de l'impasse en nous confrontant franchement au réel".

Le message que nous voulions envoyer n'était ni "Fukushima vit bien", ni "Tiens bon Fukushima", mais : "Nous pouvons bâtir notre futur", et c'est pourquoi le slogan du festival serait : "Le futur est dans nos mains".

"Le Festival Fukushima !" se déroula le 15 août au Four Seasons Village et à l'Azuma Baseball Stadium de Fukushima City. Michiro Endo, Ryoichi Wago et moi-même étions les délégués du Comité exécutif. Sur le site, on prit des mesures préventives contre le pire scénario possible, celui du césium entrant en contact direct avec la peau des festivaliers ou se propageant par voie aérienne : nous avions fabriqué à même le sol un immense furoshiki (emballage en tissu) de 6000 m2 à l'aide d'innombrables furoshikis récoltés dans tout le Japon ; c'était aussi une réalisation à dimension artistique, destinée à véhiculer le message selon lequel nous ne laisserions pas le césium de Fukushima se répandre partout ailleurs. Le festival réunit environ 400 performers et 13.000 visiteurs, 25.000 personnes le suivirent sur U-STREAM, et l'évènement fut largement couvert, notamment sur ETV Special Report par la NHK et sur News Special par TBS.

Il se peut que le citoyen lambda, tout comme nos collègues de la scène musicale, aient trouvé les musiciens plutôt confus, mais au moins ceux-ci ont-ils toujours fait ce qu'ils pensaient être juste. La communauté musicale à laquelle j'appartiens est loin d'être aussi nulle que ça – du moins je le crois. Dans cette ère post-catastrophe, ainsi qu'à l'avenir, il paraît clair que nous ne pourrons enregistrer le moindre progrès sans ce type d'activité culturelle. Au festival d'août, chaque musicien ou technicien non seulement travailla sans être payé, mais encore apporta son propre matériel. D'ordinaire, on ne peut pas monter un tel festival sans dépenser des millions de yens : nous l'avons pourtant fait sans grosses dépenses, grâce à tous ces gens que, sincèrement, je ne remercierai jamais assez, et si je le faisais, ils me diraient probablement : "Lâche moi avec ça, on est venu parce qu'on se sent concerné aussi."

J'ai l'impression que ce premier festival a rendu l'espoir à la population de Fukushima, du simple fait qu'un message ait réellement pu être émis par Fukushima, et même si ce n'était pas notre objectif premier, j'étais vraiment heureux de cette orientation, tout comme du fait qu'ainsi des gens hors Fukushima, approuvant ou non nos idées, aient pu se pencher sur la situation. Pour la deuxième édition du festival, j'estime qu'on doit faire encore mieux, et si la première a ouvert la porte, la deuxième et les suivantes doivent poser la question : "Où allons-nous désormais ?".

Des scissions se font jour.

Depuis le festival d'août, ce qui me frappe est l'apparition de certains clivages. Tout d'abord entre les anti/les pro nucléaire, puis au sein même des anti, on trouve ceux qui ont été/ceux qui n'ont pas été à Fukushima, de sorte que ceux qui y sont allés ont davantage autorité sur la question que ceux qui n'y sont pas allés et qui ont le sentiment de devoir du coup la fermer – ce genre de trucs. D'autres divisions ont vu le jour, y compris à Fukushima – par exemple entre ceux qui partent/ceux qui restent, et à l'intérieur du groupe de ceux qui partent, on trouve même ceux qui veulent revenir/ceux qui ne le veulent pas. Parmi les toutes dernières tendances à Fukushima, on a cette dichotomie parfaitement simpliste entre "décontamination" et "évacuation", et si vous y ajoutez la ligne de partage entre "ennemis" et "alliés", et que vous tentez de réduire au silence la faction adverse en criant "Par ici, par ici !", afin d'essayer d'étendre vos frontières, alors rien, absolument rien ne peut être résolu.

Il nous faut changer notre façon de penser. Si l'on continue ainsi, quand bien même toutes les centrales nucléaires fermeraient, elles seraient sans doute juste remplacées par "une nouvelle génération de centrale nucléaire" (ou un truc du genre). J'exagère un peu, mais ça n'empêche que l'on se doit de penser les choses autrement. Quand je dis "penser", ça n'est ni d'un point de vue philosophique, ni ce genre de pensée que seuls les érudits peuvent appréhender, non : une pensée pouvant être perçue par des individus ordinaires. Et nous arriverons ainsi à élever ce niveau de la pensée dite ordinaire.

Les musiciens, lorsqu'ils créent, ont pour pratique de mettre des points d'interrogation au bout de chemins déjà parfaitement tracés, qu'ils aient ou non leur raison d'être : voilà leur processus de création. Tracer des lignes bien droites n'est pas le rôle de la musique, de l'art. La musique, l'art, rendent visibles les lignes qui ne l'étaient pas, sèment le doute : là réside leur intérêt, c'est là leur pouvoir, celui de saisir les individus en leur soufflant à l'oreille que les chemins tracés par les politiciens ou autres ne sont pas forcément les meilleurs. Il va de soi que nous ne pratiquons pas la musique dans ce seul but, mais je crois que la raison pour laquelle la musique touche si profondément les individus tient à ce pouvoir de provoquer le questionnement.

Souvent, il me semble que tout ce qui vient s'opposer à "la pensée multiple" naît de tous les slogans du genre : "Ne faisons qu'un". Les divisions naissent parce que les gens disent des trucs du genre "Ne faisons qu'un", alors qu'ils ont bien sûr une diversité d'opinions. S'il est juste, après une catastrophe, de dire : "Déblayons tous ensemble", ou bien "Réparons les dégâts tous ensemble", les gens ne peuvent cependant rester unis éternellement. Ce sera notre thématique cette année.

Mes activités propres et les problèmes planétaires commencèrent à interagir.

Juste après le festival, vers l'automne, je me sentais passablement déprimé. Mon entrain faiblissait en même temps que je constatais que les niveaux de radiation ne diminuaient pas, et bien que nous ayons tenu ce festival, rien ne semblait vouloir changer. C'est que depuis le tremblement de terre, je tenais le rythme d'un sprinter, et je réalisais que je n'irais plus bien loin si je n'adoptais pas celui d'un coureur de fond. Le problème, c'est que je ne savais pas comment changer de braquet.

Ce fut à ce moment-là, en décembre, que je fus programmé sur NHK Radio pour débattre avec Masaru Kaneko, professeur au département des Sciences Economiques de l'Université de Keio. Je m'attendais à ce type de personnage qu'on a l'habitude de voir à la télévision, mais il s'avéra qu'il avait plutôt bonne presse au niveau mondial. Bien qu'ayant des opinions bien arrêtées, il ne fit pas de prosélytisme mais, en revanche, si quelque chose lui paraissait être faux, il le disait nettement. Cette confrontation avec le professeur Kaneko me fit du bien. A la même époque, je contribuai à l'exposition "without records" de New York, et j'écrivis de la musique pour une dramatique de la NHK. En décembre encore, tout en maintenant l'activité sur Fukushima, je recommençai à me produire régulièrement à Tokyo. J'avais enfin retrouvé mon équilibre. Mes blessures émotionnelles avaient été bien plus sérieuses que je ne le pensais.

D'ailleurs, en décembre, le niveau de radiation diminua sérieusement, chez mes parents et dans pas mal d'endroits à Fukushima : les niveaux se révélaient moindres que ce qu'ils avaient été au printemps. Tout ceci me procura un sentiment de soulagement. Toutefois, si je songe au fait que le césium ruisselait des fossés dans les rivières pour finir à la mer, ce sentiment de guérison me paraît bien égoïste, mais c'est pourtant ainsi que je me remis en selle pour aborder la course de fond. Face à tous ces défis, je me devais de retrouver une certaine tranquillité afin de pouvoir négocier sereinement chaque problème à venir.

Thématique 2012 : "Divers courants de pensée enrichissent le monde".

Dès à présent, les acteurs du projet viennent avec des idées sur la façon dont on pourrait faire les choses en 2012, plusieurs étant vraiment intéressantes. Je ne vous dis pas encore lesquelles, mais je suis sûr qu'elles vous plairont.

Les 6000 m2 de furoshikis répandus l'an passé sur le Four Seasons Village sont devenus comme le symbole de la première édition du festival, et on aimerait que, sous une autre forme, ce gigantesque furoshiki passe le relai à la deuxième édition : l'idée serait d'en faire des drapeaux. Chaque furoshiki présente un motif différent, étant lui-même une sorte de patchwork assemblé à partir de chutes de tissus cousus ensemble ; du coup, si nous découpons le furoshiki en drapeaux, le réassemblage de tous ces motifs deviendra très intéressant. Si l'on prend un très grand nombre de drapeaux de tailles différentes réalisés à partir du furoshiki – et il y en aura peut être des centaines voire des milliers – et qu'on les plante au dessus de Fukushima City le 15 août, ça peut avoir de la gueule. Voilà notre façon de voir les choses pour le moment.

On prévoit un festival sur 12 jours, du 15 au 26 août, avec différents événements se déroulant à différents endroits, plutôt qu'un seul grand événement sur un seul site. On aurait, par exemple, sur ces 12 jours, des drapeaux disséminés partout dans le monde – pas qu'un, façon torche olympique, mais plusieurs drapeaux aux motifs très différents – et tandis qu'ils se déploieraient, se dérouleraient un peu partout dans le monde divers évènements. Et ça serait formidable si, en ligne aussi, les gens pouvaient voir les drapeaux chaque fois qu'ils changeront de site. On en est encore au stade du rêve, mais il n'empêche qu'on aimerait bien envoyer un message fort, du genre "Nous ne sommes pas qu'un" – ceci dit sans connotation négative, mais comme une réponse à cette tentative de vouloir réduire les individus à une seule entité, chose qui, ironie du sort, finit toujours par les diviser. Notre message sera carrément : "Non, cette façon de voir n'est pas la bonne, les individus pensent différemment et c'est ce qui contribue à la richesse du monde".

Par exemple, ce qui serait idéal serait de pouvoir faire se connecter ces différentes façons de penser, tout en leur permettant de rester indépendantes, via un système semblable à "la grille intelligente" telle qu'elle figure dans la révolution énergétique préconisée par le professeur Kaneko. Avec cette "grille intelligente", l'énergie provenant de différents types de centrales électriques est gérée par divers ordinateurs, plutôt que tout soit régi par l'énergie provenant d'une seule usine de très grande envergure. Selon moi, cette année, la thématique principale du festival sera de montrer comment différentes façons de penser peuvent créer un réseau.

Un événement suffisamment vague, large d'esprit, plein d'entrain et transcendant les divisions.

L'an dernier, de nombreux contacts ont pris lors du processus de création du furoshiki ; la fabrication des drapeaux constituera peut-être encore cette fois une sorte de cadre informel au sein duquel tout un chacun pourra participer. On inventera de nouveaux drapeaux, selon nos goûts propres, non pas des drapeaux déjà tous prêts, mais ceux qui correspondront au rêve de chacun : ainsi n'y en aura-t-il pas deux semblables ; les gens pourront participer en fabriquant le leur, ou en venant juste les admirer.

On aimerait aussi avoir un maximum de forums qui pourraient se tenir un peu partout dans la ville et où l'échange, la discussion seraient privilégiés – et la musique n'y serait alors qu'un faire-valoir... Non, non, je plaisante : je continue à penser que la musique doit rester l'évènement majeur. Je ne sais pas qui participera cette année, mais soyez sûr qu'il y aura autant de musiciens que d'artistes. Mais cette année, j'aimerais qu'une place importante soit laissée à la prise de parole. Nous avons besoin de discussions sérieuses, tout autant que de conversations plus légères. J'aimerais autant que possible que se joignent à nos discussions des membres du gouvernement ainsi que des responsables de Fukushima ; peut-être ne saisiront-ils pas cette opportunité, je ne sais pas trop, mais ça serait bien qu'ils se décident à intervenir...

Nous aimerions que toutes les opinions soient exprimées, que l'évènement soit à l'image des drapeaux fabriqués à partir de ce furoshiki, lui-même déjà immense patchwork, un truc dont tout un chacun puisse faire partie. Est-ce possible de réaliser un évènement à partir d'une idée aussi vague, large d'esprit, ouverte et pleine d'entrain, quoique assez cynique par moments ? Quoiqu'il en soit, j'espère que l'on pourra dire : "Nous ne voulons pas faire qu'un".

Le défi à relever : comment faire parvenir le message aux autres pays ?

Nous aimerions envoyer des douzaines de drapeaux faits à partir du furoshiki à d'autres pays. Bien entendu, ils seront préalablement décontaminés. La difficulté, l'an dernier, fut bel et bien cette dimension internationale. Il est évident que nous avons commis des erreurs. Notre souhait, déjà à l'époque, était que ce festival se traduise par des séries d'évènements simultanément partout dans le monde, et il y en eut à New York, Londres, Pékin, Séoul, Singapour, etc., mais ce ne fut pas facile de vérifier la nature exacte de ce qui se passait, tellement on butait sur des problèmes linguistiques. Pour ce qui fut de la communication sur l'évolution de la situation, notre principal regret est de n'avoir pas pu toujours envoyer nos messages de façon satisfaisante : dans ces échanges internationaux, nous avions pris le parti de tout transmettre en langue anglaise, et nous étions loin d'être tous performants dans cette langue (si je me prends pour exemple, je suis incapable d'expliquer ce genre de subtile problématique en langue anglaise), et on a fini par prendre du retard dans la fabrication de notre site en anglais. Cette expérience nous a fait réfléchir à la façon dont nous autres, locuteurs japonais, devons procéder pour établir et garder le contact avec des locuteurs non japonais.

Projet "FUKUSHIMA !" : un forum de discussion.

Ce projet prend de fait la forme d'une course de fond, mais quelle en sera la distance ? Même si le gouvernement a annoncé que la centrale nucléaire était désormais entièrement sous contrôle, il n'y a pas de réelle perspective permettant de résoudre le problème. Cela prendra-t-il des dizaines d'années ? Des siècles ? La situation restera-t-elle inchangée durant toute ma vie ? Au delà ? Et c'est pareil pour Projet "FUKUSHIMA !" : je ne sais pas ce qu'il en adviendra dans le futur, tout ce que je sais, c'est qu'on aimerait qu'il soit suffisamment souple et innovant, plutôt qu'un truc formaté comme on en voit traditionnellement dans le domaine de l'art – car il faudra bien tenir compte du caractère évolutif de la situation. J'aimerais que notre façon de penser reste libre et sache s'adapter, de sorte que si on en arrivait au point où l'on se dise : "ça ne vaut plus le coup de continuer à faire ça", on puisse arrêter illico et faire autre chose.

Le plus important pour Fukushima est qu'on y répare les dégâts et que ne s'y produise plus jamais ce genre d'accident. Tout se résume à ça. Il n'est sans doute pas exagéré d'affirmer que pour que FUKUSHIMA résonne de façon positive, tout va dépendre du type de futur que nous serons capables d'émettre depuis Fukushima. Si Projet "FUKUSHIMA !" a une quelconque raison d'être, je pense sincèrement que c'est celle-ci. Et je ne pense pas que ceci ne soit valable QUE pour Fukushima...

Traduit du japonais par Cathy Fishman. Traduction de l'anglais par Jacques Debout. Relue et corrigée par Alexandrine Kirmser.


Last updated: June 5, 2012